Transat retour : 1° semaine

Cap vers les Bermudes !

L’amarinage est un passage obligé pour chaque marin qui reprend la mer après une longue interruption, cette fois la mer a pris les bonhommes gentiment et nous a épargné les nausées liées à l’équilibre. Nous avons rencontré un océan organisé avec du vent modéré et une houle relativement calme, c’est agréable d’être bien accueilli dans ce désert océanique, ce qui peut surprendre.

Au bout d’une journée, les oiseaux se font plus rares, car en faisant cap au Nord, on s’éloigne progressivement de l’archipel des Caraïbes. L’analyse météo nous amène à choisir le point de passage de la zone de confluence des Alizés avec l’Atlantique Nord en visant les mythiques Bermudes, avec quand même en arrière-pensée cette envie d’éviction de ce triangle si intriguant…

Pour cette première semaine, notre organisation de quarts suit la règle des 4 heures, chaque binôme s’organise pour maintenir une surveillance du gréement, de l’observation de l’état de la mer, et de la prévention des collisions. Finalement la météo clémente nous donne la liberté d’alterner à nos rythmes respectifs cette nécessité de vigilance, lorsqu’un équipier s’assoupit, l’autre veille.

Qu’est ce qu’on mange ?

Les capacités de nos quatre cordons bleus, sont également mise à l’épreuve deux fois par jour, alors on mange quoi ?
Bé il reste quoi dans la cambuse ? Faut finir le frais, avant qu’il ne se perde, évidement, et notre stock s’amenuise finalement, on devient bien gourmand !
En cette fin de semaine, les filets de fruits et légumes sont déjà presque vides, heureusement qu’il reste du citron vert !!!

Humeur de marins le matin

Au réveil les yeux cherchent les lunettes dans la bannette, les équipiers se jaugent en silence, ou distillent les sensations, le ressenti et le cap à suivre, après une analyse de la route réalisée de nuit, on scrute la météo, puis après une première réflexion, le petit déjeuner s’impose avant de fixer le cap, et de lister les manœuvres à faire pour respecter le plan établi, de manière cohérente et ordonnée.

Réglages fins :

Le choix des voiles, et de l’accastillage utile à leur mise en place, manies inox ou textiles, noeuds de chaise ou pas, dépend de l’intensité du vent et de l’état de la mer. Cette semaine nous traversons plusieurs zones où le calme apparent règne, bonne excuse pour sortir la garde-robe « Sails-Concept » du P’tit Minou :

On commence par notre magnifique gennaker rouge, sur enrouleur Karver, un jeu d’enfant à utiliser s’il a été bien enroulé précédemment, ben là il s’emmêle dans tous les sens, et on va s’appliquer à 2 reprises pour le remettre en ordre, et ça marche, n’est-il pas étonnant de voir un sloop de presque 15m, déplaçant environ 18 tonnes, se mouvoir majestueusement à 4-5 noeuds lorsque le vent pousse à 6-7 noeuds !  (gennaker=validé)
Quelques jours ensuite vient le moment de remettre notre SPI réparé dans sa chaussette, et de remettre en place, là je crois qu’on aura fait toutes les erreurs de débutant, et que finalement une fois l’affaire au point, un sentiment de victoire nous envahit, qu’il est beau ce SPI !

La carène profite de cet afflux de puissance pour nous donner des à-coups signifiants l’accélération, et on profite de 1 à 2 nœuds de vitesse supplémentaire, on prendra soin de ramasser cette voile au-delà de 15 à 18 nœuds de vent réel.

 

Ambiance sonore

Notre coque vit, s’exprime en fonction des forces en présence, tout comme le gréement qui subit l’impact du vent, et réagit aux phénomènes pendulaires d’un mat posé sur la quille et retenu par des haubans sous tension. Nous sommes à l’écoute du moindre bruissement, témoin d’une déformation liée à certaines contraintes. Les aménagements intérieurs travaillent, grincent, gémissent subrepticement, lorsque le bateau oscille dans la houle, la vaisselle entre en scène, les portes claquent si elles n’ont pas été calées ou bloquées, simultanément la glisse sur la mer amène des embruns qui explosent sur le pont dès que l’étrave plonge, tous ces chocs répétitifs, rythmés par un équilibre contraint et une glissade océanique, nous expose à une symphonie digne d’un orchestre dirigé par dame nature.

J’entends par instant les voiles tantôt frissonner à la moindre risée, faseiller ou claquer à chaque revers de gite, chaque accélération produit un déhanchement que l’on accompagne volontiers en contrebalançant lors de nos déplacements tels des danseurs qui se cramponnent aux mains courantes, le clou du spectacle étant le défilé des équipiers au moment des repas lorsque l’on en a plein les mains et qu’il faut défendre sa pitance d’une chute hélas toujours possible… Je vous épargne les jurons en cas de glissade incontrôlée.

Nuit des étoiles

Chaque quart de nuit est une expérience différente liée aux conditions de visibilité, d’humidité relative, et de chaleur perçue, si dans les Caraïbes un tee-shirt suffit , on se couvre généreusement plus on monte dans les parallèles. Notre sens de l’observation est conquis dans un premier temps par un tour d’horizon, l’air de tenter de contrôler qui va là. Une fois cet espace conquis, notre regard jauge l’état de la mer, et inévitablement contemple le ciel pour y déceler les signes avant-coureurs de survente liés aux nuages actifs. Enfin si la voie lactée nous tend les bras, l’évasion dans les constellations nous ramène à une certaine humilité et est source de rêveries contemplatives.

 


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Commentaires

2 réponses à “Transat retour : 1° semaine”

  1. Avatar de HAUDRY
    HAUDRY

    Bravo Jimmy pour ce journal de bord précis, concis, pratique. j’imagine ainsi votre quotidien à bord du « Petit Minou » (vérification et entretien du matériel, surveillance du bateau, préparation des repas…).
    Quelques notes poétiques, féériques, magiques, me font moi aussi naviguer par la pensée au-delà de l’horizon (contemplation du ciel, constellations, sens de l’observation…)
    Oui vraiment ce journal de bord est une ode pour explorer ses propres rêves intérieurs.
    Bon vent à vous quatre pour la poursuite de la transat avec des notes de liberté, d’amitié et de convivialité.
    Nathalie

    1. Avatar de jpr

      Merci beaucoup pour ton retour, c’est vrai que l’on écrit nos sensations sans trop savoir si cela sera lu, ni comment cela sera interprété !
      en tout cas l’ambiance est bonne, faut dire qu’avec cet équipage, y a tous les ingrédients pour faire de cet transat retour, une petite aventure mémorable.

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