Au delà de l’horizon

L’appel du large !

Tout petit déjà, je fixais l’horizon de cette mer d’Iroise chère à mon cœur, en scrutant les silhouettes des navires de guerre ou de commerce, de quelques bateaux de pêche, et celles si particulières des voiliers.

Quand je voyais le spi noir et orange de Pen Duick VI, barré par Eric Tabarly pointer le bout de son nez à la pointe de Bertheaume, je courrai vite vers le chemin des douaniers  de la pointe du Minou pour épier cette merveilleuse carène, je garde en mémoire la glisse de cette étrave majestueuse, laissant un sillage  immaculé se disperser paisiblement.

A force d’en rêver j’ai appris à naviguer, à régater, puis à transmettre les rudiments de la navigation au CVL de l’Aber Wrac’h. Si j’y ai côtoyé des noms célèbres et de fortes personnalités du milieu nautique, ce que j’ai retenu c’est qu’il faut aller au bout de ses envies, afin de tracer une route gratifiante dans ce bas monde.

J’ai toujours imaginer dépasser l’horizon sur un beau voilier, profiter de ce que la nature a de plus beau à vous révéler, et parcourir cet océan qui n’est certes pas si facile à dompter.

Cependant la vie active vous entraine, vers d’autres réalités, priorités, obligations, chaque journée bien remplie vous éloigne de votre rêve de gosse, mais ce petit voilier est bel et bien greffé dans le cerveau, et de temps en temps le mat  me chatouille… Un jour, un beau matin, l’appel du large est si fort qu’il faille répondre, et vous vous surprenez à parcourir le web pour retrouver votre voilier idéal avec cette envie de concrétiser.

L’heure du choix

Chaque marin dispose d’une définition très personnelle du voilier idéal, pour beaucoup c’est le bateau du meilleur ami, d’autres préfèrent louer, pour en tester plusieurs, et quelques-uns souhaitent en faire l’acquisition pour en disposer librement.  Bien entendu, j’ai également exploré toutes les étapes et j’ai finalement eu la conviction que j’étais destiné à devenir propriétaire d’un beau voilier.

Le paradigme est complexe, j’aime naviguer sur tout type de monture, dériveurs, cata de plage, croiseur de régate ou de croisière,  ce qui m’a toujours bloqué c’est qu’on ne peut pas laisser un voilier sans surveillance.  Qu’il soit au mouillage, au ponton ou à sec, la météo peut nous jouer des sales tours, sans compter sur les filous capables de dérober tantôt une manie, une poulie, un moteur, et parfois subir l’impact des mauvaises manœuvres de plaisanciers anonymes, ce est loin d’être une plaisanterie !

Au salon nautique, j’en discute avec le représentant Dream Yacht Charter de ma région,  j’ose exposer mon rêve de transat, lié à une acquisition, mais avec l’envie de ne pas laisser mon bateau immobilisé dans une marina, lorsque j’en n’ai pas l’usage.

Finalement mon voilier d’occasion idéal, s’inscrit dans un programme de gestion location au sein de la flotte DYC, parce que ce bateau sera maintenu en état, et que sa place au port est garantie, l’acquisition sera partiellement rentabilisée, et je dispose de son utilisation, à condition qu’il ne soit pas déjà réservé, cela s’anticipe facilement en ayant accès au planning.

L’investissement est plus conséquent sur une unité neuve, j’envisage rapidement de me focaliser sur un voilier d’occasion de 50 pieds, et pendant plus d’un an je scrute les sites d’occasions notamment bandofboats.com, un jour je flashe sur un Dufour500, j’ausculte tous les  détails, me renseigne sur tous les avis, majoritairement favorables, sauf un ou deux rageux, mais il y en a toujours des esprits chagrins!

Ce bateau là, est en Norvège, on s’organise avec les potes pour préparer un convoyage vers la Trinité/Mer, finalement avec les confinements successifs liés au COVID19, on ira le récupérer à Stockholm. Chouette on découvre la mer Baltique, le canal de Kiel, la mer du Nord, et on retrouve notre terrain de jeu habituel en Manche puis en mer d’Iroise…

Prise en main

Cette première navigation d’une dizaine de jours, nous fait découvrir le potentiel du bateau, et aussi identifier les points d’améliorations, j’imagine un budget d’entretien et de rénovation. Après concertation avec l’équipe DYC de la Trinité/Mer on valide une « refit-list », et on établit un planning cohérent avant la mise en exploitation du gros bébé.

L’avantage c’est que je peux me reposer sur l’expertise des techniciens, ce qui oriente mes choix,  ainsi je profite de prix raisonnés par la centrale d’achat DYC, même si le respect des délais des différents maillons de la chaine d’approvisionnement reste chaotique avec ces périodes de confinement.

Voici une liste non exhaustive des travaux envisagés: changement de voiles, GV, Foc, Spi, gennaker, bimini, capote, matelas, accastillage, dessalinisateur, panneaux solaires, batteries, AIS, VHF, Iridium…

 

La Transat : tout un programme

Depuis aussi longtemps que je m’en rappelle, une transat correspond au graal de nombreux marins, ensuite le tour du monde c’est l’Everest, mais ce n’est pas mon objectif. Notre programme de refit intègre cette ambition de faire une transat avec un équipage de copains.

Une unité de 50 pieds est bien taillée pour cette traversée. Alors on se prépare, de l’équipement de la garde-robe du bateau, aux accessoires de sécurité, jusqu’à l’avitaillement, on tente de répondre à tous les points capitaux, et options de confort.

Le départ est envisagé mi-oct. pour traverser le Golfe de Gascogne avant les tempêtes d’hiver, et descendre faire une étape aux Canaries, pour ensuite glisser  vers la Martinique, et finir le périple à St Martin.

Notre Dufour500 peut ensuite être exploité par DYC à l’anse Marcel,  à St Martin.

Logistique & planification

La préparation d’une transat n’est pas une mince affaire surtout quand c’est votre première expérience de longue navigation. je m’étais habitué au cabotage en Bretagne, ou vers les Anglos Normandes,  et j’avais également pris plaisir à réaliser plusieurs traversées de la Manche vers les Iles Scilly ou traverser le Golfe de Gascogne vers les côtes espagnoles, au-delà c’était quand même l’inconnu.

Alors c’est avec fébrilité que je me suis entouré de mes amis pour préparer cette aventure, ma première Transat. J’avais lu plusieurs témoignages, dans les revues nautiques, entendu tout et son contraire, ce qui finit par être déstabilisant… Quoiqu’il en soit, ce projet était en moi une sorte d’aboutissement, avec la volonté de naviguer loin, dans de bonnes conditions, en sécurité bien évidement.

L’inventaire des moyens de sécurité s’allonge, au fur et à mesure que la préparation se précise, la vérification de tous les éléments du bateau, le gréement, le moteur, le générateur, et tous les accessoires, avec une hantise de passer à côté d’un détail qui n’en est pas un, s’il vous manque une pièce maitresse au milieu de l’Atlantique !

Un autre souci est d’avoir tout le nécessaire à portée de main, bien organisé, et de révéler votre méthode de rangement à votre équipage.

Au final nous avons eu besoin de faire pas de mal de réparations, et nous n’avons pas regretté de les avoir anticipées.

Remise en état / « Refit »

Prise en main, remise à niveau, remplacement, ajout, modifications, corrections…  Qu’est-ce vraiment qu’un « refit », en fait c’est comme tout remettre à plat sur le bateau qu’on apprécie tellement, pour en parfaire son usage !

La liste des modifications peut devenir très longue :
Dans les cabines à l’Intérieur, on remplace les matelas et les housses, et on prépare la pose de toiles antiroulis,  l’ajout de prises USB, je place des mini-oreillers en mousse trouvés chez Decathlon, idéaux pour se caller à la gite…
Notons une pompe à pied d’eau de mer dans le carré cuisine, qui nous servira beaucoup plus qu’espéré,  pour faire la vaisselle lors de la grande traversée.

Coté cockpit, ajout de prise usb étanche, d’un support IPAD pour pouvoir disposer d’un complément cartographie, cette redondance a été salutaire lorsque les cartes du Raymarine étaient périmées ou non acquises.

Nous posons également des lignes de vie car je ne conçois pas me balader sur l’avant sans y être accrocher, dès que la mer est forte de jour, comme de nuit. Il nous faut revoir le palan de descente de la jupe, ainsi que le positionnement des points de tire du palan de grand-voile, prévoir les poulies de renvoi pour le spi, vérifier l’état et la tension des hauban et  du gréement, l’état des filières, étanchéité des chandeliers… Prévoir un kit de réparation en dyneema, et il servira bien !

On pose des HP extérieurs étanches avec un RA70 Fusion pour sonoriser l’ensemble, ambiancer la navigation en musique, avec quelques moments de folie c’est toujours plaisant et la détente fait partie du programme !

Dans le carré de navigation, un contrôleur de charge électrique trône désormais, et c’est rassurant de connaitre son niveau de charge, cela permet de lancer le moteur ou le générateur avant d’être à sec d’énergie, et rappelons le, les principaux postes de consommation reste le pilote auto, le frigo, et l’électronique embarquée, y compris le PC servant au routage, récupération de la météo…

Pour la partie navigation:
Nous avons opté pour un AIS700 Raymarine, accouplé à la VHF Standard Horizon TH-GX, une VHF portable est également choisie.

Une interface NMEA  WiFi/USB est ajoutée, cela nous permet de récupérer tous les paramètres de navigation sur le logiciel Adrena Octopus, c’est un investissement qui s’avère être au final un bon choix.

A cela s’ajoute une télécommande pilote auto  RayMarine S100

Des réparations se sont avérées nécessaire, l’âme de notre hélice était délaminée ; nous devons la changer, et j’en prends une en spare.

Les blocs de climatisation ne seront pas réparés avant notre départ, cette réparation sera finalement prise en chargé à St Martin.

Le dossier du guindeau et du propulseur d’étrave restent les plus problématiques, car d’un coté le moteur du guindeau est exposé aux projections d’embruns en dessous de l’enrouleur de génois, ce qui avouons-le n’est pas bien conçu par Dufour, l’arrosage à l’eau de mer provoque de l’oxydation, pour finir je sacrifierai un pare-battage découpé pour l’envelopper… Quand au propulseur d’étrave, on aura du changer la commande et le faisceaux électrique avant de partir, mais comble de malchance, son compartiment sera inondé lors de la traversée du golfe de Gascogne, une entrée d’eau par le fourreau du bout dehors en est la conséquence. Cela déclenchera un mini incendie, qu’on ne remarquera qu’une fois à quai !

Après un check électricité, l’autre gros dossier sera pris en main par les équipes de Miles Solutions, ce qui implique le changement des batteries, l’optimisation du câblage, du dispositif de recharge, incluant la pose de panneau solaires, puis d’un dessalinisateur.

Plusieurs remplacements, comme la pose des nouveaux répétiteurs i70s:

Last but not least, un nouveau jeu de voile : Grand-Voile, Génois, Spi sur chaussette & gennaker sur enrouleur, et le lot d’écoutes, drisses, barber hauler, retenue de baume, coulisseau… Mise en place du bout dehors, celui-là sera préparé la veille du départ !

Un beau bimini, et une belle capote, des housses de table de cockpit, et de barre à roue, et voilà l’extérieur au top !

Cette liste est évidement non exhaustive, car au fil des échanges nourris d’expérience avec les autres navigateurs, il convient d’ajouter les trucs et astuces qui sécurisent, qui facilitent  ou bien qui offrent du confort, mais notons qu’à presque chaque ligne ajoutée, un budget hélas souvent multiple de 1000€ est à prévoir, car chaque élément est fait pour durer…  et comme dans ce milieu les vendeurs s’adressent à des passionnés le prix est souvent surévalué, sous différents prétextes : longévité, résistance à l’abrasion, à l’oxydation, aux vibrations, à l’humidité et que sais-je encore comme autre argument fallacieux !

Petit-Minou ne se pavane pas au ponton, mais tire fort sur ses aussières comme happé par l’appel au large !

Rythme de croisière

Pour nos premières journées de navigation, on avait envisagé de faire des quarts de quatre heures la nuit, de jour le rythme était plus libre, cela n’a pas posé de soucis sur les deux premières journées rudes d’amarinage dans la traversée du Golfe de Gascogne, qui fidèle à sa réputation nous a cueillis à la fin octobre avec des creux de deux à trois mètres, cette houle étant établie par des trains de dépressions successifs, qui vont d’ailleurs conduire l’organisation de la route du Rhum à décaler le départ quinze jours plus tard.

Cette météo rugueuse va nous pousser à faire quelques jours de relâche à La Corogne,  et déjà on en profitera pour changer des écoutes, et des bosses de ris, ainsi que différents accessoires de gréement, notamment des coulisseaux de GV neufs qui explosaient lors du faséiement des voiles lors des prises de ris. Cela vous met vite dans l’ambiance !

La descente vers les Canaries sera délicate pour se dégager du Cap Finistère, avec l’explosion du chariot de GV suite à un virement dans une houle frontale que l’on a négociée au moteur, avec deux ris dans la GV, avant de pouvoir prendre un cap au près puis au bon plein pour ne pas trop serrer le vent. Je me vois obligé de meuler cette pièce dans 2 à 3 m de creux, pas très évident, mais nécessaire pour remplacer ce point névralgique du gréement pas une attache en dyneema, et hop ça repart… Ce bricolage va tenir jusqu’aux Canaries, où on va mieux ébarber cette pièce sur le rail. On consolidera plus tard notre attache pour atteindre la Martinique…

On pourra par la suite bénéficier d’allures plus débridées, bon plein puis travers, pour enfin se déhaler au largue, sans renier ce plaisir de sortir le spi, et profiter d’une houle plus longue… Le long du Portugal on reste sur nos gardes concernant les attaques d’Orques, nous serons épargnés, et on ne s’en plaindra pas.

Passage du rythme des quarts à 2h par équipier, ce qui donne au 4° chanceux 6h de sommeil de rang, et cela n’est pas négligeable une fois tous les 4 jours. C’est vrai qu’au large, l’océan est bien vide, et faire la veille  à deux pendant 4h s’avère surdimensionné.

Cependant nous avons été surpris deux fois par des sautes de vent passant d’un coup de 5-18 nœuds à 35 nœuds sans prévenir dans la nuit noire, l’effet des nuages est imprévisible et donc la vigilance est nécessaire. A ce moment-là le pilote automatique décroche, et tout le monde est appelé à la rescousse sur le pont pour réduire la voilure. Par la suite on prendra 2 ris la nuit, en se rendant compte que la perte de vitesse est négligeable, pour un confort sécuritaire bien appréciable.

Tâches quotidiennes

En mer, l’anticipation vaut mieux que les déconvenues, aussi une vérification récurrente du matériel n’est pas du temps perdu, surveiller le gréement, l’énergie, prévoir l’entretien des cordages, des poulies. Ainsi quand la météo le permet un tour du bateau en milieu de matinée ou d’après-midi n’est jamais inutile.

Une autre occupation quotidienne est la surveillance météo, permettant une remise en cause ou une confirmation du routage établi.

La routine de la préparation des repas ne doit pas échappé à nos attention, signe de cohésion, de découverte de nos talents d’inventeurs de recette improbable que n’aurions jamais osé imaginer à terre derrière nos réchauds stables, ou nos micro-ondes nous simplifions la vie, ici la cuisine au gaz est un art à haut risque car rappelons-le cela bouge en permanence, même par temps calme.  Nous avions eu un débat sur le nombre de bouteilles de gaz à prévoir, on en a pris 6 ‘campingaz’ 907, et au bout de 21 jours on en a  vidé 5 de 3kg.

Une douche à l’eau de mer participe à l’hygiène nécessaire, et finalement c’est agréable quand l’eau est à 26°C.

Une autre routine consistait à alimenter d’un article sur le site web tous les 3 à 4 jours, histoire de nourrir nos suiveurs, qui à la vue de leurs commentaires appréciaient que l’on donne des nouvelles de notre aventure, cette communication a été rendu  possible via l’abonnement Starlink ‘Camping-Car’, malgré une coupure d’une dizaine de jours au milieu du périple, cela nous aura permis de récupérer les fichiers Grib comme derrière la box à la maison, et entre autre de rester en contact avec nos proches et nos fournisseurs via Email/WhatsApp, de suivre la coupe du monde de foot, voire de suivre les séries Netflix pendant les quarts de nuit…Pour notre prochaine transat retour j’opterai pour un abonnement maritime afin de ne subir cette coupure. Par ailleurs nous avions un boitier Iridium Go et un téléphone portable Iridium, histoire de pouvoir rester joignable en cas de péril.

Le retour d’expérience

L’accompagnement DYC depuis le désir d’acquisition est un vrai plus, les conseils des équipes commerciales, l’implication des équipes techniques,  m’ont conforté et ma volonté a maintenu ce projet sur les rails. C’est ce qui me permet de vous partager sans filtres aujourd’hui cette expérience.

En résumé, j’ai fait l’acquisition d’un bateau de la flotte DYC exploité pendant 6 ans, un refit  s’est avéré nécessaire, même si la structure est saine, l’usage intense en gestion-location amène une usure plus importante qu’un bateau propriétaire dont l’usage moyen est inférieur à un mois de navigation annuel.

Cependant j’ai l’avantage de disposer d’un bateau prêt à naviguer, car vérifié et entretenu si besoin à chaque retour de location, cela me rassure de le savoir en bon état. DYC m’a accompagné dans mon projet de transat, les équipes du Marin et de l’anse Marcel ont réparé ce qui devait l’être dans des délais plus que raisonnables.

J’envisage d’aller naviguer en famille et avec les amis dans les Antilles cette année, puis de faire la transat retour en 2024. Naviguer au-delà de l’horizon est devenu possible, maintenant il nous suffit juste de choisir la bonne fenêtre météo !


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